Lexique identitaire

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  • JARSAILLON Jacques (1840-1893) : THEÂTRE EN AUVERGNAT

JARSAILLON Jacques (1840-1893) : THEÂTRE EN AUVERGNAT

Dans toutes les littératures, le théâtre est le dernier genre à apparaître : il nécessite la maîtrise des progressions, le sens scénique, des troupes d'acteurs, des moyens financiers. Au moyen âge, les Passions et Mystères sont des genres français, apparus tardivement chez nous et perdurant jusqu'au XVI° siècle en milieu urbain (G. A. Runalls, Revue d'Auvergne (1983-2). Longtemps on n'eut en auvergnat que des essais insignifiants ou médiocres (fragment de Riom-ès-Montagnes, partiellement en auvergnat, XV° siècle, Monsieur Lambert de Clet au Puy au XVIII° siècle). C'est donc par une génération quasi spontanée et un véritable miracle que le théâtre auvergnat atteint d'emblée un apogée avec Jacques Jarsaillon, prêtre, né à Aubignat de Saint-Ferréol -des-Côtes et curé de Lezoux, Olliergues, Chabreloche. Homme discret et timide, il écrivit pour son plaisir : rien ne fut publié de son vivant. Il a eu la malchance supplémentaire que l'édition de ses oeuvres ait eu lieu en 1929, au creux de la vague de l'intérêt porté à l'auvergnat. Il n'écrivit d'ailleurs pas seulement des pièces de théâtre, mais aussi 7 fables, une ode, deux contes satiriques et surtout une "pastorale" (Lou meissouneir : les moissonneurs) qui relate sous forme de dialogues enjoués et naturels la journée de travail de moissonneurs : elle se prêterait parfaitement elle aussi à l'adaptation théâtrale. Mais ses cinq "comédies" (en fait ce sont presque toutes des drames) dépassent de loin le reste de ses oeuvres : - Claudine, son chef d'oeuvre, entretient un suspens magistral sur la mort de Marin, ivrogne et brutal : a-t-il été assassiné par sa femme Claudine qui se défend pathétiquement de l'avoir empoisonné volontairement ? - L'ivrogne : Pierre a voulu se suicider. C'est un ivrogne, une épave. Mais on comprend qu'il est la victime de sa femme, l'infernale Jeanne. Les deux ensemble ont fait le malheur de leur famille, ruinée et sans toit. - Margoutou : une horrible mégère terrorise les siens et est le cauchemar du village. On finit par l'emprisonner quelques jours pour la calmer. La description de cette furie cauchemardesque atteint une vérité frappante et une grandeur dantesque. - Le mariage : deux vieux désireux de se remarier sont en butte à la morale sociale du village, hostile au remariage des veufs. Belle peinture de plusieurs sortes d'hypocrisies. Aucun personnage n'est entièrement positif ou négatif. - La Fromente : seule véritable comédie, sur un thème d'ailleurs devenu quasi-folklorique au XIX° siècle. Un paysan qui a voulu vendre une mauvaise vache en trompant les acheteurs est dupé par eux. Ils s'en rendent compte, le font boire et lui revendent la bête. Jarsaillon conduit les intrigues avec une maîtrise parfaite. Il sait s'effacer derrière la logique de ses personnages. S'il a des intentions moralisatrices, elles ne pèsent pas : tout coule de source et s'enchaîne impeccablement. L'édition originale de ses oeuvres, dont le restant s'arracha dans les années 70, est épuisée. L'Anthologie du théâtre en auvergnat , publiée par le CRDP de Clermont a repris les scènes essentielles de ses pièces. Supérieur de cent coudées à une foule d'auteurs qui sont joués de nos jours, Jarsaillon mériterait d'être repris par des troupes théâtrales véritables et bien sûr en auvergnat comme en français (son auvergnat est populaire, simple et facile d'accès).
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