Lexique identitaire

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OUEST ET EST (AUVERGNATS)

Même si c'est à travers la fausse "opposition oc - oïl", tout le monde perçoit que l'Auvergne est une région - charnière entre le Nord et le Sud. Le rôle de charnière entre l'Ouest et l'Est est méconnu. Il est pourtant réel et constant:
  • L'Ouest rassemble des plateaux découverts et les volcans les plus spectaculaires. L'habitat groupé en petits villages y prédomine. Les massifs de l'Est ont toujours entremêlé forêts et clairières, où l'habitat se dissémine en fermes et petits groupes lâches de maisons.
  • Grâce à un climat plus continental, l'Est a développé anciennement une économie vivrière peuplante, atteignant de fortes densités, le développement de l'émigration définitive y a été tardif mais fort. A l'Ouest capacités polyculturales moindres, densités plus faibles, résultat d'une émigration définitive très ancienne et constante, mais sans flot massif et spectaculaire.
  • Les grandes migrations temporaires d'autrefois étaient orientées différemment: celles de l'Ouest vers la France Atlantique, de la Normandie au bassin d'Aquitaine; celles de l'Est du Bassin Parisien et du Nord-Est au Bas-Rhône en passant par la région lyonnaise (au sens large). Cependant les deux courants interféraient en Normandie, en Orléanais et dans la région lyonnaise (voir Migrants d'Auvergne).
  • La langue auvergnate révèle particulièrement bien la diversité des horizons:
A l'Ouest, usage répandu ou généralisé des lettres euphoniques; développement du son (eu); séries leu, feu, jeu, peu, aneù: lieu, feu, jeu, puy, aujourd'hui; maintien de certaines diphtongues et développement de diphtongues et triphtongues secondaires (eù, oei, uoù...).
A l'Est, peu de lettres euphoniques; maintien de (é), voire ouverture du son (è) sans opposition pertinente entre é et è; séries lio, fio, jo; et pei, aneî; réduction poussée des diphtongues à une voyelle simple.
Les parlers de l'Ouest portent la trace d'influences françaises anciennes (-arius > -îer > -î) mais restées très limitées et avec des hyper-corrections réactives (an > en). Ceux de l'Est dénotent des influences plus récentes (en liaison avec l'intensité de l'émigration temporaire à partir du XVII° siècle) mais plus étendues.
  • La charnière interne de l'Auvergne entre ces deux variantes est en même temps sa colonne vertébrale des coteaux limagnais sur toute sa longueur, du pays gannatois à la Ribeyre langeadoise. Cependant, dialectalement, elle est plus orientale, joignant approximativement en ligne brisée Vichy, Maringues, Billom, Issoire et le Devès occidental, ce qui manifeste une fois de plus l'avance des faits orientaux au cours de l'histoire. La fonction de ce milieu de coteaux fut triple:
1. Leur horizon particulier d'échanges et de complémentarités rapprochées ou à moyenne distance a toujours été l'ensemble des plateaux et montagnes de l'Ouest. La symbiose économique et humaine est constante. 2. Ils ont reçu un gros apport de population orientale émigrée, ce qui a créé des liens différents et plus tardifs, mais forts surtout en Livradois au sens le plus large, de Billom au col de Fix. 3. A un niveau plus élevé, ils ont trié et retransmis des influences venant de la France orientale, plus évolutive (axe de la Saône et du Rhône, Bourgogne) vers l'Ouest sous une forme amortie par les limites du milieu.. Cette caractéristique est particulièrement nette en Bourbonnais et en Combraille (au sens géographique large). Voir aussi à la rubrique Coteaux leur rôle dans le sens méridien, perceptible du Gévaudan au Nivernais. L'évolution contemporaine (XIX° - XX° siècles) et récente (depuis la deuxième guerre mondiale) a apporté les modifications principales suivantes :
  • Dépeuplement massif et précoce à l'Est, plus tardif et plus lent à l'Ouest, mais accéléré récemment. Egalisation par le bas.
  • L'unification agricole par l'élevage reste incomplète : dans des limites peu modifiées, il y a toujours une géographie Est - Ouest des races bovines : surtout montbéliarde à l'Est; maintien de races autochtones (Aubrac, Salers) et développement de la FFPN puis de la charolaise et en dernier lieu de la limousine à l'Ouest.. Les systèmes d'élevage restent donc distincts.
  • L'élargissement de l'aire urbanisée de Limagne efface d'anciennes limites: la Varenne et la Limagne orientale tombent de plus en plus dans l'attraction de Clermont et même Thiers commence à perdre une partie de son individualité très forte. Le nouvel accès d'autoroute de Lezoux (A 72) accentuera cette tendance.
  • L'armature urbaine locale reste plus dense à l'Est et par suite il y a davantage de bourgs en difficulté et en détresse.
Les milieux clermontois se sont longtemps désintéressés de l'Est: cf. le refus d'accepter leurs centres urbains parmi les "Bonnes villes d'Auvergne" sous l'Ancien Régime. Il paraît clair qu'avec une politique globale de l'occupation du territoire dans le val d'Allier une attention portée aux régions de l'Est serait une des deux priorités essentielles de l'aménagement rationnel de la Basse Auvergne pour en faire un ensemble fonctionnel cohérent. On remarque d'ailleurs que les empiétements de Rhône - Alpes qui relaient et généralisent ceux plus anciens de Saint-Etienne et de Lyon s'étendent dans l'Est. Ils y sont d'ailleurs économiquement bienfaisants, mais il vaudrait tout de même mieux que les initiatives partent de l'Auvergne elle-même dont les gens de l'Est se considèrent comme membres à part entière.
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