Lexique identitaire

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COMBRAILLE, CREUSE ET MARCHE

Les péripéties historiques ont brouillé ces notions qu'obscurcissent diverses interférences. Un éclaircissement est nécessaire. I. COMBRAILLE(S)
  • Le mot vient d'un gaulois comberos dont le sens (pays des ) "confluent(s)" semble ici indubitable : une confluence très importante y rassemble le Cher, la Tardes, la Voueize et plusieurs autres rivières secondaires près de sa capitale initiale, Evaux.
  • D'aucuns veulent voir dans la Combraille le pays des Cambiovicenses. Mais ce peuple gaulois supposé n'est signalé que par la carte de Peutinger, guide itinéraire romain parvenu seulement par une copie médiévale susceptible d'interpolation ("les gens dépendant du bourg ecclésiastique de Chambon").
  • La disposition des grands chemins protohistoriques et antiques montre une orientation vers l'Est (Arvernes) et le Nord-Est (Bituriges). Quant aux bourgades plusieurs semblent jalonner une limite occidentale avec les Lemovices : Ahun, Issoudun-Létrieix, Ajain, Dun-le-Palestel...
  • Le célèbre ouvrage de l'abbé Michel Peynot : La Combraille, Guéret 1931 et le Dictionnaire topographique de la Creuse d'André Lecler, Limoges 1902, convergent pour détecter une grande Combraille haut-médiévale, triangle pointe en bas dont les sommets approximatifs seraient Malval (NO), Giat (S), Menat (NE). Un noyau granitique où commença la stabilisation du peuplement (toponymes antiques nombreux) est enveloppé par une auréole métamorphique où le réseau habité se consolida plus tardivement.
  • Au moyen âge, l'évêché de Limoges mena une politique très active de prise en main de la Combraille, notamment par l'intermédiaire du monastère de Chambon-sur-Voueize (reliques de Sainte Valérie). Mais le démembrement de la Combraille la réduisit de tout côté au profit de maisons féodales des provinces voisines et du Franc Alleu, assez inconsistant, connu depuis le XV° siècle autour de Bellegarde.
  • Ces tribulations divisèrent aussi la Combraille en deux versants, occidental lié à la Marche et à d'autres formations de l'Ouest, oriental tourné vers l'Auvergne. Le premier retrouva une polarisation orientale avec la principauté bourbonnaise, puis la Généralité de Moulins.
  • Les géographes de l'école de Vidal de la Blache consacrèrent la division Est - Ouest en appelant Combraille les plateaux du Puy-de-Dôme à l'Ouest de la chaîne des Puys. Ils distinguèrent la Basse, la Moyenne et la Haute Combraille (cette dernière n'était pas historiquement combraillaise) des abords de Montluçon à la haute Dordogne : d'où l'usage fréquent du pluriel, les Combrailles. Comme pour le Livradois, l'acception géographique et l'historique sont différentes, la première l'emportant de nos jours. Cependant, la Carte agricole de la France mentionne une "Combraille bourbonnaise" de Bellegarde et Auzances à Montmarault et Menat.
II. CREUSE Au XIX° siècle se prit l'habitude déplorable de confondre le département de la Creuse avec la province de Marche. En fait, la Creuse a rassemblé autour du Guérétois, noyau de la Haute-Marche, des pays géographiques distincts (Dunois, Sostranais...) et des circonscriptions féodales fort diverses. Leur émiettement a même facilité l'amalgame : on parle maintenant "des Creusois" et non "des Marchois". La Creuse est une des rares contrées françaises à devoir son identité ressentie dans la population à l'institution départementale. III. MARCHE Originellement, la Marche s'étendait sur ce qui est actuellement l'Ouest de la Creuse (Haute-Marche) et le Nord de la Haute-Vienne (Basse-Marche). C'était un glacis défensif de l'Aquitaine féodale puis anglaise contre les empiétements français à partir du Berry. Très tôt elle fut démembrée : la plus grande partie de la Basse-Marche retomba dans l'orbite limousine directe, le Poitou lança un tentacule profond jusqu'à La Souterraine et Bourganeuf, le Bourbonnais mit la main sur la plus grande partie de la Combraille et de la Haute-Marche, relayé par la Généralité de Moulins. On voit donc l'inconstance et, tout compte fait, l'inconsistance de la notion. Bien que Guéret apparaisse aujourd'hui comme "la ville tentaculaire" dans le désert rural, son agglomération est trop modeste pour fédérer des territoires aussi disparates autrement que dans la domaine administratif. Pour tout ce qui ne relève pas des organismes publics, la Creuse est écartelée : l'influence de Montluçon , successeur véritable d'Evaux en Combraille (quoique hors limites traditionnelles) prédomine dans un gros tiers nord-est, celle de Limoges dans une moitié occidentale (comprenant Guéret comme relais), on sent toujours l'influence de Clermont dans le SE (Aubusson, Felletin), de Bourges au NE (Boussac), de Poitiers au NO, voire de Tours qui viennent disputer ici le terrain à Limoges. L'importance de l'emploi public et des subventionnements dans une économie en détresse travaille cependant au profit de Limoges qui détient les moyens principaux dans ces domaines en tant que chef-lieu de région. Dans cette situation, les milieux intellectuels Creusois cherchent des repères identitaires propres : on met surtout en avant les "maçons de la Creuse" et leur prototype (fabriqué, car ce fut surtout un bon bourgeois) Martin Nadaud. Mais le dépeuplement est devenu le plus grave de France dans la phase actuelle. La démographie est catastrophique. On note cependant une certaine immigration : fermiers manceaux et normands, résidents secondaires de Paris et de l'Europe du Nord, Turcs (à Bourganeuf). Ce n'est qu'un palliatif faible et peu efficace, car hétérogène et souvent improductif et instable.
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