Lexique identitaire

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OCCITAN, OCCITANIE

1. Deux mots artificiels, créés par la chancellerie des Rois de France au lendemain de la soumission du Comté de Toulouse (XIII° siècle) dans des documents en langue latine. Ils désignaient uniquement les territoires toulousains annexés à la suite de la Croisade des Albigeois et ce qui se rapportait à eux. Ils ont été repris à la fin du XVIII° siècle et depuis par des intellectuels languedociens dont le point fort n'était pas le lien avec la population. Dans cette seconde phase, ces mots artificiels ont été appliqués à des choses artificielles :
  • Il n'y a jamais eu d'Etat occitan, de peuple occitan, de civilisation occitane ayant un destin commun : on aura profit à comparer deux ouvrages publiés par le même éditeur (Privat à Toulouse) : l'Histoire du Languedoc (réelle) et l'Histoire d'Occitanie (mythique).
  • Il n'y a jamais eu de conscience occitane d'ensemble même chez les "renaissantistes" qui recherchaient dans "l'unité de la terre d'oc" une béquille pour leur propre faiblesse : l'analyse de leur production et de leur action montre que leurs préoccupations réelles ne pouvaient dépasser leur province.
2. L'histoire récente commence avec la SEO (Societat d'estudis occitans) d'entre les deux guerres mondiales. Elle était calquée sur le modèle catalan, soutenue par les Catalans: "lo Mèstre" de l'occitanisme, le pharmacien audois Louis Alibert, défendait l'idée d'une communauté occitano-catalane capitale Toulouse. Les ambitions propres à Barcelone en sonnèrent le glas, mais les liens spéciaux entre les occitanistes languedociens et les catalanistes se maintinrent, les derniers nommés, devenus puissants depuis quelques décennies soutenant les premiers. Après la seconde guerre mondiale, d'autres organismes développèrent une doctrine d'ensemble où la défense de la langue sert en grande partie d'appât et de façade: nation opprimée par le "colonialisme intérieur" français, brillante civilisation médiévale assassinée par le "génocide" de la Croisade des Albigeois, réhabilitation du catharisme, exaltation du méditerranéisme, internationalisme tiers-mondiste. Quant à la langue, une orthodoxie graphique inflexible - quoique fort discutée dans le détail à l'intérieur des milieux occitanistes - vise à uniformiser les langues régionales bien distinctes du Centre et du Midi de la France, frayant la voie à un "occitan commun / standard / de référence" qui est un languedocien artificialisé et archaïsé pour renouer le fil avec la langue médiévale illustrée par les Troubadours. Les événements de 1968 ont fait sortir l'occitanisme de la confidentialité. Ils lui ont amené un certain nombre de déçus de divers courants gauchistes ayant une grande expérience de l'action politico-médiatique. Accompagnant l'ascension du Parti Socialiste d'alors, il fut ainsi mis en état d'obtenir une forme limitée d'institutionnalisation après 1981, bénéficiant en particulier du concept stupéfiant en démocratie des "cinq langues privilégiées". Mais la Roche Tarpéienne est près du Capitole: l'occitanisme n'avait pas les moyens humains de mettre à profit les avantages nombreux (subventions, postes) obtenus alors, même dans un Midi dont la population est devenue très hétérogène et où les véritables patoisants sont en général les derniers à se reconnaître dans les écrits et concepts occitans. L'institutionnalisation qui satisfait une clientèle, fut ainsi à l'origine du déclin, car elle privait la cause de son moteur protestataire. 3. A l'heure actuelle (2001) quel est le bilan d'ensemble de l'occitanisme ?
  • En Midi-Pyrénées et Languedoc-Roussillon les mots occitan et Occitanie ont remplacé Languedoc et languedocien dans une partie de la population. Ils en sont les synonymes au goût du jour.
  • Ailleurs, il n'a qu'une poignée de militants idéologiquement motivés qui ont les plus grandes difficultés à adapter la réalité régionale à leur doctrine. Hormis les bastions de résistance organisée (Auvergne, Provence) ou de terres d'indifférence profonde (Dauphiné, Haut-Limousin, Marche) apparaissent des ferments de révolte contre le "centralisme languedocien" perçu comme une réplique en glace déformante du centralisme parisien: en Gascogne, en Limousin-Périgord. Le retour de l'occitanisme à son berceau est en vue.
  • Dans une telle situation - qui n'est d'ailleurs qu'un aspect aggravé par l'artificialité et l'intransigeance doctrinaire de la débâcle actuelle des enracinements devant le nivellement mondialiste à prépondérance anglo-saxonne - on observe que l'occitanisme adopte un "profil bas" rappelant celui des militants irlandais ou bretons : mise à profit de la "société des loisirs" par une politique de fêtes, effort persévérant d'imprégnation "subliminale" des esprits par la répétition inlassable de mots-clés (surtout "occitan") pas plus aptes néanmoins que d'autres méthodes à agir en profondeur sur le torrent de la "modernité".
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