Lexique identitaire

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FRANCISATION

Quatre processus, deux spontanés (1,2), deux organisés (3,4) y ont concouru : 1) Dans la société traditionnelle, la subversion de proche en proche par l'intermédiaire de dialectes anciens déjà francisés : elle a largement agi en Bourbonnais qui avait originellement un idiome proche de l'auvergnatseptentrional comme le montre la toponymie (cf. Bonnaud P. : Recherches géotoponymiques en Bourbonnais et en Berry, Bïzà Neirà n° 55, 1987). C'est "l'effet Terracher" du nom d'un philologue qui mit le phénomène en évidence en Charente aux dépens du limousin) : un dialecte partiellement francisé se fait le fourrier d'une pré-francisation en milieu populaire. 2) Toujours antérieurement aux années 1830-1860, la francisation des classes supérieures par imitation des fonctionnaires francophones, l'accès à l'instruction, l'entrée au service du Roi et de l'Etat, notamment autour de Riom, moindrement autour des autres villes (Clermont a été longtemps très fidèle à la langue auvergnate). On peut rattacher à cette catégorie, en direction des masses rurales :
  • les déracinements provoqués par le faire-valoir indirect (métayage) en Bourbonnais; mais il convient de ne pas en exagérer la portée.
  • au XIX° siècle, les brassages qui transforment les migrations temporaires en émigration définitive vers des villes lointaines comme Paris, Lyon, les villes du bas Rhône. Jusqu'alors, le migrant rentré au pays exerçait peu d'influence sur ce dernier.
3) A partir de la Révolution apparaît une volonté gouvernementale d'extirper les "patois" (cf. l'abbé Grégoire). Cette agressivité se répand, imposant dans la première moitié du XIX° siècle le mot péjoratif de patois, alors qu'antérieurement ou concurremment on disait couramment auvergnat (de même dans d'autres régions). 4) Avec la III° République commence une bataille d'anéantissement utilisant tous les moyens de l'appareil d'Etat, l'école n'étant que le plus efficace d'entre eux du fait qu'il prend pour cible les enfants. Certes, on n'est pas parti de rien; mais l'ampleur et le caractère systématique du phénomène, complété par "le grand massacre des paysans" de la guerre de 1914, aboutit en un demi-siècle (1880-1930) à l'inversion de la situation linguistique française, à l'hégémonie sans partage de la langue nationale et à un recul irréversible des langues régionales, assimilées à l'arriération et couvertes de dérision et de mépris (voir Eugen Weber : La fin des terroirs) ou fourvoyées par des idéologies qui décalquent le centralisme le plus obtus chez certains de leurs prétendus défenseurs. C'est d'autant plus dommage que la francisation a eu des côtés très positifs en unissant un peuple conscient depuis longtemps de son unité de fond et en lui permettant ainsi de surmonter les épreuves terribles des deux guerres mondiales et d'élever le niveau de vie de l'ensemble de la population, entraînée par un mouvement supérieur de progrès économique et social.
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