Lexique identitaire

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BOVINS

80 % en valeur de la production agricole auvergnate provient de l'élevage, bovin pour l'essentiel. C'est trop dans la mesure où cela traduit un délaissement excessif des productions végétales et rend notre agriculture plus vulnérable aux crises. Mais cela situe une importance économique. Or, les bovins ont joué au cours des temps un rôle si important dans l'évolution de la civilisation régionale qu'ils méritent d'être considérés comme un patrimoine de premier plan à étudier. 1. Ils sont présents dès la préhistoire, notamment dans le courant "sauveterrien" remontant de l'Aquitaine et dans le Campignien provenant du Bassin Parisien occidental dans ce pays - charnière de contacts et de rencontres que fut toujours l'Auvergne. Par contre le courant "chasséen" des Pasteurs des Plateaux venant du Sud-Est élevait surtout du petit bétail. 2. A partir de - 1200 environ, les vagues celtiques successives arrivant d'Europe centrale développent l'élevage bovin et défrichent les hauteurs dans ce but (ils cuisinent au beurre et au saindoux, le porc étant leur autre grand élevage). La palynologie atteste clairement la substitution de la prairie à la forêt. 3. Pendant l'époque gallo-romaine et une partie du haut moyen âge, il semble passer au second plan : peu avide de laitage, cuisinant à l'huile, demanderesse de laine, cette civilisation d'origine méditerranéenne favorise l'élevage ovin. 4. Au moyen âge, une poussée vers le Sud de l'élevage bovin est enregistrée dans toute l'Europe médiane, de l'Atlantique aux Carpates. Partie de la France médiane, l'Auvergne connaît cette poussée dans le massif cantalien, le Cézalier, le Forez, le Mézenc : ce développement touche surtout les "pays hauts" (voir Montagne et pays haut), plaines et plateaux moyens laissant de moins en moins de place à l'élevage pour faire face au surpeuplement par une agriculture vivrière polyculturale à base céréalière. Cependant, les produits de l'élevage sont avec ceux de la vigne une des deux sources essentielles de rentrée d'argent dans l'économie agricole ancienne. C'est pourquoi les ecclésiastiques, fourriers du progrès économique, puis les nobles , puis certains bourgeois ruraux mettent au point le système de la "montagne d'estive" du XIII° au XVIII° siècle. Il intéresse surtout l'Aubrac, le Cantal et le Cézalier et tend à exclure des hauteurs la paysannerie. C'est un système de "grande montagne" où les troupeaux sont confiés à la garde de bergers professionnels sachant fabriquer le fromage, principal produit marchand. La règle des "foins et pailles" (on n'a pas le droit d'estiver davantage de bétail qu'on peut en nourrir l'hiver) protège cependant les estives du surpâturage et des excès spéculatifs. Dans les Dore, le Nord du Cézalier, le Forez, le Mézenc, l'estive est sous la pression des densités paysannes plus fortes des pays bas voisins. La "petite montagne" prévaut : les familles paysannes montent aux chabana (jasseries, burons) et s'occupent de leur propre troupeau. Voir à Aurillacois les conséquences culturelles du système de la montagne d'estive qui a contribué à la méridionalisation de cette contrée (même chose en Aubrac). 5. En Bourbonnais, à partir de la Reconstruction des Campagnes (XV° - XVII° siècles), l'installation du métayage, qui achève la dislocation de l'ancienne société rurale autochtone) a pour objectif principal le développement de l'élevage bovin destiné à la production de boucherie pour les marchés du Bassin Parisien. 6. Jusqu'au milieu du XIX° siècle, il n'y a pas de véritable race bovine, mais plutôt des "populations" plus ou moins cohérentes, malgré la prédominance des types centre - européens de bétail qui doivent remonter à la pénétration celtique (voir les articles de J. Blanchon dans Bïzà Neirà n° 33, 41, 42, 45, 46, années 1982, 1984, 1985). C'est alors qu'un effort de sélection orienté vers des animaux à plusieurs fins (travail, viande, lait) met en place la Ferrandaise (Basse-Auvergne), la Salers (Dore et Ouest du Cantal), l'Aubrac (Est du Cantal, Lozère), la Mézine (Est de la Haute-Loire). A partir des années 1840 - 60, la Charolaise commence sa "marche vers l'Ouest" à travers le Bourbonnais. Cette géographie reste prédominante jusqu'aux années 50 du XX° siècle. 7. La révolution agricole des "Trente Glorieuses" la bouleverse : intrusion massive de la FFPN (frisonne laitière), de la Montbéliarde (à double fin : prédominance laitière alors, aptitudes bouchères importantes) à l'Est, abandon trop rapide de la Ferrandaise, insuffisamment sélectionnée, élargissement de l'aire charolaise, recul de la Salers et de l'Aubrac dans leur berceau, quasi - disparition de la Mézine. 8. A la fin des année 80, la surproduction laitière et les quotas laitiers refoulent la FFPN, mais la course au rendement se poursuit avec la substitution de la souche Holstein à la FFPN. Les races à viande (Charolaise puis Limousine qui commence à pénétrer par l'Ouest dans les années 90) ou mixtes aptes au "croisement industriel" (Salers, Aubrac) se développent ou reprennent. Les incertitudes dues aux crises sanitaires (vache folle, fièvre aphteuse) et à la surproduction réintroduisent des troupeaux hétérogènes qui traduisent le désarroi des éleveurs. Les cautères sur une jambe de bois ("élevage bio") ne dissipent pas les inquiétudes que la lassitude de "l'Europe" à subventionner ne fait que renforcer. On a prôné la spécialisation à outrance, mis au point une riche série de techniques pour la faciliter notamment en diminuant les besoins de main d'oeuvre (pâturage rationné, stabulation libre, plein air intégral, etc...). Les exploitations (entre 2 et 10 vaches en moyenne vers 1900, élevages de plus de 100 voire de 200 bêtes en 2000) ne pourront grandir indéfiniment sans une ultra - extensification "d'occupation du paysage" qui n'aura plus rien d'agricole. Un retour vers une agriculture plus diversifiée, plus équilibrée, mieux combinée serait nécessaire pour préserver l'avenir agricole et la maîtrise des paysages en Auvergne : non par une "écologisation" régressive des techniques, mais en prenant an compte les indications de la géographie, par exemple en "finissant" en plaine limagnaise ou bourbonnaise le bétail né sur les plateaux au lieu d'expédier les veaux vers les usines d'engraissement du Bassin Parisien ou de la plaine du Po, ou encore en reprenant les cultures fourragères afin d'accomplir le cycle complet de l'élevage de boucherie sur les plateaux moyens aptes à la culture et sur les plateaux volcaniques de l'Auvergne intérieure qui sont plus favorables au champ qu'à l'herbage.
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