DEPARTEMENTS
Créés par la Révolution (1790) pour mettre fin à l'enchevêtrement des circonscriptions d'Ancien Régime. L'Assemblée Constituante sut éviter le piège pseudo-cartésien des 80 "carrés" égaux; elle tint largement compte des appartenances antérieures, si bien que beaucoup de départements peuvent apparaître comme une rationalisation des anciennes divisions provinciales. D'autres ont été faits de pièces et de morceaux : la Creuse a donné une personnalité aux siens, tandis que la Haute-Loire n'est pas arrivée à homogénéiser le Velay et le Brivadois (toujours attiré par Clermont et par l'axe de l'Allier), ni même à empêcher l'Yssingelais de devenir une banlieue un peu plus éloignée de Saint-Etienne.
Les départements sont entrés dans les habitudes, mais ont rarement atteint une force identificatrice véritable : la désignation des habitants par un nom - adjectif tiré d'eux (Creusois, Cantalien) est rare. Les partisans de cette circonscription ont senti cette faiblesse et cherchent à la combler en profitant du recul des formations populaires au profit de dénominations compliquées : on cherche à populariser "altiligérien" pour "habitants de la Haute-Loire" et un concours qui a déjà accouché de nombreux monstres a été lancé pour le Puy-de-Dôme.
Au cours du XIX° siècle, on a assimilé sommairement et souvent faussement des départements à d'anciennes provinces (Cantal = Haute-Auvergne; Puy-de-Dôme = Basse-Auvergne).
Les départements avaient été conformés pour la circulation lente (on devait pouvoir se rendre au chef-lieu en une journée de cheval au maximum). L'accélération des déplacements, l'élargissement des aires d'influence des villes placent le département en porte-à-faux. Mais ses défenseurs sont influents (grosses ressources des conseils généraux, grand nombre de fonctionnaires liés à eux, soutien du Sénat). Malgré la création des "pays" (restés assez inconsistants), ils mettent en avant le rôle "d'échelon rapproché de la démocratie locale". Ils cherchent à court-circuiter les régions administratives, reportant sur elles le discrédit "d'échelon inutile". A cette fin, ils préconisent de grandes régions "de taille et de poids européen" ce qui est absurde ou cousu de fil blanc quand on examine les modules régionaux de nos partenaires européens (cf. Sarre, Hambourg, Brême, Ligurie, etc...): d'où par exemple l'opération Massif Central, conduite avec d'énormes moyens médiatiques. Or, des circonscriptions plus vastes peuvent certes avoir leur intérêt : le tout est qu'elles soient bien conçues et ne dépersonnalisent pas les entités avalisées par une histoire bi-millénaire.