DIALECTE
"Variété régionale d'une langue" disent les dictionnaires. Aussi, suite à la profondeur de la francisation, il est normal de considérer le normand, le picard, le wallon comme des dialectes du français, ainsi que le fait le Petit Robert (1986); et par conséquent de tenir pour une mode d'origine politico-idéologique, dépourvue de tout fondement objectif, le concept "des" langues d'oïl apparu récemment dans des milieux idéologiquement motivés. Inversement, tout observateur impartial peut constater qu'alors qu'on s'efforce de maintenir contre toute évidence le concept "d'une" langue d'oc dont l'auvergnat ne serait qu'un dialecte :
- l'auvergnat n'est pas intercompréhensible avec le languedocien et le gascon; les limites de la compréhension mutuelle sont vite atteintes avec le provençal; or, on présente "l'intercompréhension" comme le fondement de l'unité de "la" langue d'oc (par ex. P. Bec : La langue occitane). La contradiction est flagrante.
- L'auvergnat se sépare des autres idiomes rangés dans sa prétendue famille par des faits multiples de grande fréquence, embrassant tous les aspects de la langue :
plus de 30 % du vocabulaire est entièrement différent de celui des langues d'oc méridionales. Exemple : "attendre" se dit pïtâ / peitâ / apeitâ dans toute l'aire auvergnate, esperâ dans le Sud de la France. le reste est différencié au point d'être méconnaissable par une phonétique spécifique, qui ne résulte nullement de perturbations apportées par l'influence française, mais de la faible tension articulatoire propre à l'aire médioromane de la France médiane. Langue sourde, privilégiant la syllabe tonique aux dépens des autres qui deviennent peu distinctes, l'auvergnat est à l'opposé de la diction éclatante des langues d'oc méridionales (Tailhandier l'avait déjà noté).
une réfection morphologique extrêmement poussée (surtout en auvergnat septentrional, mais aussi sur toute l'aire de façon indubitable) a donné à l'auvergnat une physionomie entièrement originale, sans équivalent dans les langues néo-latines et même en gallo-roman : pluriels vocaliques différents des pluriels avec -s du Midi languedocien et aquitain; conjugaison profondément réformée; mots-outils soit particuliers, soit particularisés par leur phonétique et leur morphologie; usage des prépositions sans aucun équivalent ailleurs.Il résulte de cela que la seule solution exacte et honnête est de considérer l'auvergnat comme une branche entièrement autonome du gallo-roman, sans cesse originalisée par sa trajectoire, donc évoluant en fait comme une langue indépendante et non point "une langue d'oc", mais une langue - charnière, constatation s'accordant parfaitement avec la situation géographique et géohistorique de l'Auvergne. D'autre part, il est indispensable de se débarrasser de l'arrière-plan normatif imposé aux Français par le centralisme. Une langue n'est pas nécessairement uniformisée par une mode contraignante. L'auvergnat est une langue dialectalisée où L'ALEP; malgré ses progrès commandés par les circonstances n'a rien d'obligatoire, où la pratique encourage toutes les formes d'expression : voir la diversité dialectale des textes publiés par la revue Bïzà Neirà, les brochures du Concours Chambon ou d'autres parutions du Cercle Terre d'Auvergne. On peut donc parler librement et sans arrière - pensée de "dialectes de la langue auvergnate", en y réunissant :
ceux qui sont entièrement intégrés à son domaine : auvergnat septentrional, auvergnat médian, auvergnat méridional;
ceux qui présentent des traits de transition sur les marges géographiques : arverno-bourbonnais, yssingelais;
par contre, si certaines parties du Gévaudan (haut Allier, haute Truyère autour du Malzieu et, à plus forte raison le pays saugain) appartiennent indiscutablement à des variétés de l'auvergnat méridional, tout comme une bonne partie de la Montagne vivaroise, le Gévaudan cévenol est languedocien; le Gévaudan margeridien de la Lozère, originellement "Sud lointain" de l'Auvergne est devenu davantage un "languedocien en cha et ja" qu'un auvergnat extrême - méridional; et le Sud-Est du Vivarais est entièrement ou majoritairement provençalisé.