SOLDATS et HEROS d'AUVERGNE
Même en période d'antimilitarisme quasi - officiel, l'héroïsme au service d'une patrie ("pays des pères" étymologiquement), d'un peuple, d'une civilisation ne devrait pas laisser indifférent. Le courage et l'esprit de sacrifice, la constance face à l'adversité et la fermeté devant la mort élèvent leurs auteurs et les populations dont ils émanent. C'est pourquoi nous présentons un premier échantillonnage, principalement extrait du Grand dictionnaire biographique du Puy-de-Dôme d'Ambroise Tardieu, mais susceptible ultérieurement de compléments étendus.
I. Antiquité tardive et haut moyen âge. Au V° siècle, face à l'invasion wisigothique, émergèrent de l'aristocratie arverne un véritable homme d'Etat, diplomate habile et ferme, Sidoine Apollinaire, et son beau-frère Ecdicius qui, avec une poignée d'hommes, fut capable de tenir les envahisseurs en respect.
II. Moyen âge. Les guerres contre les Sarrazins exaltèrent le courage de Guérin de Montaigut en Palestine et en Egypte (XIII° siècle), de Mathieu de Clermont en Italie (XIII°), de Guy Dauphin face aux Turcs à Chypre (XIV°). Pierre Amelh (XIV°), archevêque d'Embrun, sut protéger les populations alpines des exactions du temps avec une ténacité intrépide. Beraud III Dauphin d'Auvergne (XV°) fut un combattant infatigable pour la protection et la libération de la France centrale des Anglais pendant la guerre de Cent Ans, tout comme Motier de la Fayette qui, sur des théâtres plus vastes d'opération, multiplia les exploits.
III. Epoque moderne. Au XVI° siècle, Antoine Coeffier d'Effiat fut un serviteur du Roi plein d'abnégation dans toutes les missions militaires, politiques, administratives qu'il se vit confier. Il créa aussi un collège à Effiat. Gaspard de Montmorin de Saint-Hérem pourchassa les bandes féroces du baron des Adrets et du capitaine Merle et refusa de faire exécuter la Saint-Barthélemy en Auvergne. Lors du même événement, Antoine de Saint-Nectaire sauva les Protestants du Puy du massacre sans hésiter à les combattre par ailleurs. Madeleine de Saint-Nectaire fut l'héroïne de la cause protestante en Haute-Auvergne et Henri de la Tour, grand capitaine protestant rallié à Henri IV, multiplia les exploits sur les frontières pour le compte de ce Roi. Les prédicateurs catholiques Jacques Salez et Guillaume Sautemouche soutinrent impavidement le martyre des mains des Protestants à Aubenas.
Au XVII° siècle, Louis de Marilhac servit glorieusement la France avant de périr, victime d'une intrigue de Richelieu. François III d'Estaing fut un des officiers les plus intrépides des campagnes de Louis XIV. Au XVIII° siècle Jean Peghoux, blessé en mainte bataille, fut tué en défendant Prague en 1742. Jean-Antoine Sablon du Corail n'eut pour salaire de ses héroïques états de service que l'ingratitude de Louis XV à l'instigation de Mme de Pompadour qui le fit devancer par un favori. L'Auvergne, région continentale, donna le jour à des pionniers de la Nouvelle France et à des guerriers qui s'illustrèrent sur mer et aux Indes, tels Nicolas-Aimé de Bonnevie et J. B. C. H . d'Estaing. Le panache de Louis-Charles-Antoine Desaix de Veygoux est tel qu'il a trouvé grâce devant l'histoire centraliste et surmonté la disgrâce d'être auvergnat. Moins connu, Marie-Auguste-Melchior de Matharel fut aussi un soldat sans peur des guerres napoléoniennes.
IV. Epoque contemporaine. Pierre-Louis Courby de Cognord fut, entre autres exploits, un héros de Sidi-Brahim (1845). Gabriel-Thaurin Dufresse, missionnaire en Chine, fut martyrisé en 1815. La guerre de 1914-18 a rendu illustre le maréchal Fayolle qui, général retraité, reprit du service et fut de toutes les grandes batailles. Mais des régiments entiers ont enduré des sacrifices inouïs. Les monuments aux morts d'Auvergne (nous en avons relevé à l'heure qu'il est - fin 2001 - plus de 600) montrent des pertes atteignant dans la majeure partie des communes 3,5 à 4,5 % de la population totale de 1911, dernier recensement précédant la guerre et allant de 2 % à 7 % . Ces chiffres peuvent sembler modestes à première vue, mais ils représentent 30 à 40 % des hommes en âge d'avoir des enfants: on comprend dès lors que la "grande guerre" ait entraîné un décrochage irrémédiable de la population de la plupart de nos communes rurales. Lorsque les monuments aux morts portent la classe ou l'âge des tués, ce dernier va de 19 ans à plus de 40. Lorsque les liens de parenté des homonymes peuvent être établis, on s'aperçoit que 2 à 3 fils d'une même famille ont pu être tués, parfois 2 la même année. Le "massacre des pantalons rouges" (1914) fut en général le plus meurtrier. L'importance des années 1915 et 1916 varie selon les lieux, c-à-d l'affectation des régiments à telle ou telle partie du front, à telle ou telle époque. 1917 est pratiquement toujours l'année la moins meurtrière. Par contre, les "offensives pour la paix" de 1918 tuèrent beaucoup de monde. Il est dommage que les monuments de 1870 soient si rares, car les pertes furent moins négligeables qu'on le croit, et que les autres n'aient pas tous été mis à jour des morts de la seconde guerre mondiale: quelques exemples montrent qu'ils furent assez nombreux, donc qu'il y eut de véritables combats et que des actes d'héroïsme ont probablement été occultés par la honte ressentie envers la "drôle de guerre". Les morts de la Résistance sont heureusement mieux répertoriés. Si les combats mémorables furent rares (tels ceux du Mont Mouchet en Margeride) les conditions de ce combat, extrêmement périlleuses, engendrèrent des actes d'une abnégation et d'un courage exceptionnels.