VERMENOUZE Arsène 1850 - 1910
Né à Vielles d'Ytrac dans une famille de propriétaires ruraux dont l'aisance provenait de l'émigration en Espagne et d'une de ces "sociétés auvergnates" de commerce, sorte de coopératives semi-familiales qui permettaient d'entreprendre avec une mise de départ faible. Celle des Vermenouze avait pour siège Illescas entre Madrid et Tolède. Arsène Vermenouze y travailla de 1867 à 1883 à vendre des produits d'épicerie, de mercerie et des tissus et semble y avoir connu le seul amour - malheureux - de sa vie pour une Espagnole que les statuts de la société interdisaient d'épouser.
A partir de 1879, il commence cependant à collaborer à des journaux cantaliens (L'Indépendant du Cantal, L'Avenir du Cantal). Rentré en France, il connaît la période la plus active de sa vie de 1884 à 1900: installé à Aurillac jusqu'en 1900, retiré ensuite à Vielles, il collabore activement au Moniteur du Cantal et à La Croix du Cantal; il fonde Lo Cobreto en 1894, publie Flour de Brousso en 1895, En Plein Vent en 1900. Après 1900, sa santé se dégrade: il était tuberculeux et la médecine de son temps contribua à son déclin en lui prescrivant un régime trop rigoureux et de l'exercice que son tempérament excessif poussa à l'outrance (il abattait des kilométrages ahurissants à la marche). En 1904 cependant, il produit Mon Auvergne, puis en 1909 Jous la cluchado, gâté par les débuts d'une archaïsation graphique sous l'influence de l'abbé Four. Après sa mort, Gabriel Audiat publia ses Dernières Veillées en 1911.
A cette époque plus encore que de nos jours, il était impossible de se faire publier et de gagner une réputation hors de Paris. Par contre, il s'y trouvait des gens assez désintéressés pour épauler ceux qui avaient du talent. Rappelons que sans le patronage de Lamartine, Mistral n'eût jamais conquis une telle renommée, à valeur égale. Vermenouze eut la chance de bénéficier de l'appui constant et désintéressé de Jean Ajalbert, très influent dans et hors des milieux auvergnats de Paris, de Louis Bonnet qui offrit un lancement royal à Lo Cobreto, plus tard de Gabriel Audiat et de de Ribier.
Il faut bien remarquer que si Vermenouze reste connu principalement par son oeuvre en langue vernaculaire, il fut aussi un poète français très estimé et que seul un goût imposé pour l'hermétisme et l'inintelligible a rejeté dans l'ombre ses poèmes français qui sont loin d'être sans mérite (Mon Auvergne fut d'ailleurs distingué par un prix de l'Académie Française).
En français comme en guyennais, Vermenouze est le type même du poète identitaire. Aux yeux de tous les Auvergnats, son oeuvre (qui se réclame d'ailleurs explicitement de l'Auvergne, au point que ses épigones moins talentueux ont trop étroitement limité celle-ci à l'Aurillacois) est une évocation irrésistiblement émouvante du pays, des paysages, des types humains, de la vie dans nos campagnes. A le lire, on ressent la même exaltation heureuse qu'en écoutant la vielle et la cabrette jouer une bourrée. Sa tota (la vieille parente restée célibataire qui se dévoue pour sa famille à la ferme ancestrale), la mort du facteur dans la neige, sa description du Poïs bas, de lo Fieiro, son évocation de la danse infernale de Lei duoi Menetos, du Biel Ourlhat - et tant d'autres ! - sont inoubliables.
Rançon de cet enracinement, Vermenouze a encouru, après 1968, les foudres des idéologues qui cherchaient à réorienter la défense des langues régionales vers le doctrinarisme et la politique et qui, en outre, avec un anachronisme parfait, s'offusquaient des idées conservatrices - catholiques du poète, comme s'il eût pu en avoir d'autres compte tenu de ses origines, de son environnement et de son temps, comme si n'être pas gauchiste avant le gauchisme eût constitué un délit majeur. Par la suite, il fut réutilisé par les mêmes, mais toujours mal aimé, d'autant que la graphie simple de se poèmes en aurillacois, aisément lue par tous, faisait ressortir l'étrangeté de la nouvelle écriture étymologique et archaïsante que le peuple ne savait comprendre.
Les arvernisants savent que Vermenouze n'est pas responsable de l'utilisation "auvergnate" que l'on fit de son oeuvre dialectale pour méridionaliser artificiellement l'image de leur propre langue, pour leur donner de faux modèles. Ils révèrent en lui un illustrateur de tout premier plan de la "matière populaire" d'Auvergne. Sur lui, il convient de connaître la thèse monumentale de Jean Mazières: Arsène Vermenouze (1850-1910) et la Haute Auvergne de son temps, Paris, Les Belles-Lettres 1965, qui devrait être dans toutes les bibliothèques auvergnates.