Lexique identitaire

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AVERNAT ET LIMAGNIEN

Les meilleurs des arvernisants ont mesuré depuis longtemps les inconvénients de la fragmentation patoisante qui appauvrit la langue, scinde la communication, mutile les ambitions littéraires. Au XVIII° siècle, l'abbé Tailhandiervoit dans le parler clermontois "l'attique limagnien", pose le principe d'une hiérarchie des parlers à la tête desquels il place celui de la capitale de la province, lieu où les courants de partout se rencontrent et se fertilisent. Il expose clairement ce qui est nécessaire pour émanciper cette langue et affirmer sa valeur culturelle : un système d'écriture simple et clair, une grammaire qui en établisse les règles, un dictionnaire, un recueil des oeuvres de ses meilleurs auteurs (ce qu'il fit par le manuscrit où il sauva le meilleur des écrits du XVII° siècle). Cent ans plus tard, alors que le centralisme parisien a déjà engagé la lutte pour détruire les "patois", alors que certains, comme Roy ou Bathol acceptent l'idée d'une infériorité de la langue régionale, Charles-Antoine Ravelénonce la nécessité d'une langue commune qu'il appelle l'avernat. Il souhaite certes en dégager les principes sur la base d'une oeuvre médiocre, celle de F. Perdrix, mais l'idée était d'autant plus juste et remarquable qu'à l'époque déjà la fragmentation des parlers était un argument de la machine de guerre mise en place pour dévaluer l'auvergnat, inspirer la honte à ceux qui le parlent et le mépris aux générations plus jeunes. Plus tard encore, dans une atmosphère de régression plus avancée, trois attitudes bien moins valables font cependant écho à la même préoccupation :
  • Le poète félibréen d'Ambert Régis Michalias appelle "Grammaire auvergnate" ce qui n'est qu'une bonne grammaire ambertoise; Girard publie une grammaire "vellave" qui se fonde sur les parlers les plus méridionaux, voire méridionalisés, de cette contrée. L'espoir subsiste mais ses horizons se rétractent.
  • L'intelligent autodidacte montluçonnais Louis Péroux-Beaulaton, se limitant à la région montluçonnaise, expose cependant une conception élevée de la langue et fournit des spécimens littéraires de talent pour l'appliquer.
  • Les félibres de la seconde génération auvergnate, notamment Benezet Vidal et Henri Gilbert se fourvoient dans l'archaïsation de la graphie et la méridionalisation de la langue. Ne pouvant envisager un avenir propre à leur langue d'origine, ils transfèrent leur rêve sur une conception mythique de la "langue d'oc" à la manière troubadouresque, comme on fait la toilette mortuaire d'une belle Dame défunte du moyen âge.
Il a donc fallu attendre bien tard, après 1970 pour que le Cercle Terre d'Auvergne :
  • Réalise entièrement le programme de Tailhandier : Ecriture auvergnate, grammaires, dictionnaires, revue Bïzà Neirà regroupant les écrivains arvernisants et leur permettant de publier;
  • ouvre la voie à un "auvergnat littéraire et pédagogique" (ALEP) équilibrant le besoin d'enracinement et les nécessités de la communication;
  • mène un combat conséquent contre les différentes idéologies de dénigrement, de réduction et de nivellement (jacobinisme culturel, occitanisme);
  • cherche à ancrer l'auvergnat dans le paysage culturel mondial en dépassant les limites hexagonales, par exemple par le Vocabulaire thématique quadrilingue auvergnat - français - espagnol - anglais (2001).
Il reste maintenant à former un noyau de relayeurs rassemblant plusieurs générations pour réaliser une ambition affirmée : "L'auvergnat au-delà de l'an 2000" et pour que cet effort, enraciné dans la durée, ne soit pas un chant du cygne.
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