RIBEYRE
L'auvergnat rebeirà / ribeirà est resté fidèle à l'étymologie. Dérivé de ripa: rive, le mot latin riparia ("ce qui se trouve sur les rives, ce qui concerne les rives" = "l'ensemble des rives") ne concernait pas le cours d'eau lui-même, mais l'ensemble de la vallée avec ses versants, voire, au bord de la mer le versant seul, d'où l'ancien sens du français rivière ("les rivières du Ponant") et de l'italien riviera. Rebeirà est un concept de la géographie descriptive, agricole et régionale: il désigne une dépression allongée, bien circonscrite entre des plateaux ou massifs, abritée, joignant des terres cultivables de fond de vallée et des versants: il n'y a pas de Ribeyre si le versant est rocheux et incultivable.
Deux Ribeyres surtout sont connues en Auvergne: celle de la Dordogne autour de Bort et surtout celle de Langeac, qui s'allonge de Prades à Monistrol et qui, malgré quelques secteurs en gorge, juxtapose ses bassins (Prades, Langeac, Lavoute-Chilhac) et des grands versants souvent aménagés en palhâ (terrasses de culture): Saint-Ilpize, Villeneuve - d'Allier. Vignes, noyers, autre arbres fruitiers, champs, prés de fauche composent un paysage humanisé harmonieux, autour de villages serrés. La délimitation claire de l'habitat et de l'étendue cultivée est un élément essentiel de cette harmonie que trouble la tendance actuelle à essaimer des constructions banales n'importe où.
La Ribeyre est un concept paysager précieux qu'il faut s'efforcer de maintenir dans les esprits auvergnats. Il diffère (en langue auvergnate) de là valadà, terme topographique ("la vallée") et du founzau: fond de vallée occupé ordinairement par des prairies parfois inondables. La langue auvergnate nous offre ainsi une capacité d'analyse paysagère d'une précision inconnue du français actuel qui s'est progressivement coupé de ses bases rurales sous l'influence de "la Cour" puis de "la Ville".