TAILHANDIER J. B. J.
Le chanoine Tailhandier est peut-être le plus grand méconnu de l'histoire culturelle de l'Auvergne. Membre de la haute bourgeoisie clermontoise, en ce XVIII° siècle où celle-ci, francisée dans les collèges d'Oratoriens et de Jésuites, délaisse massivement la langue auvergnate, jusqu'alors universelle dans la province et qui restera celle de la grande masse de la population jusqu'à la fin du XIX° siècle, il entreprend une "défense et illustration" du limagnien (qui n'est autre dans son esprit que l'auvergnat) avec une ampleur de vue et un esprit de suite exceptionnels. Il réunit et recopia en la redressant l'abondante moisson de textes fournis par le XVII° siècle clermontois (manuscrit 706 de la Bibliothèque municipale de Clermont, Thesaurus linguae limanicae). Mais en outre, il écrivit un éblouissantEssai d'un discours à prononcer devant Messieurs les Conservateurs et Polisseurs du langage limagnien ou limagnois (comme il vous plaira) dans la célèbre académie qui doit être formée pour ce grand dessein aux prochaines calendes grecques. Ce texte devait servir d'introduction au Thesaurus qu'il espérait publier. Sur un ton faussement détaché, il accumule les arguments en faveur de ce qu'il appelle le limagnien car, mettant en relief la hiérarchie des parlers, il montre que ceux de la région clermontoise sont "l'attique limagnien". Cette brillante démonstration ayant suscité des objections, il la complète par une Réflexion critico-palinodique sur le discours précédent. Feignant d'abord de se rendre aux raisons de ses contradicteurs, il reprend ensuite tout le terrain perdu en apparence et développe des arguments nouveaux en faveur de notre langue. L'introduction au Thesaurus comprenait aussi De la prononciation des lettres de l'alphabet et une Addition pour l'orthographe pleine de vues pénétrantes. Il préconisait notamment de produire un dictionnaire, une grammaire de la langue et un anthologie des meilleurs textes littéraires. Ces textes admirables ont été réunis sous le titre Essai d'un discours à prononcer... Et publiés pour la première fois avec explications et notes par le Cercle Terre d'Auvergne en 1983.
Il est stupéfiant et consternant - cela ne peut vraisemblablement se voir qu'en Auvergne - qu'une oeuvre de cette valeur reste si peu connue et qu'une personnalité de cette taille ne soit pas honorée par des rues, des établissements scolaires, etc.