TERRACHER (Effet)
Le philologue A. L. Terracher a montré dans sa thèse sur Les aires morphologiques dans les parlers populaires du Nord-Ouest de l'Angoumois (Paris 1914) qu'avant la vague de francisation massive de la fin du XIX° et du XX° siècle, le français n'avançait pas directement aux dépens du limousin, mais sous le couvert d'un éclaireur, le saintongeais, qui lui ouvrait la voie car il bénéficiait du prestige de la langue nationale dont il était proche, tandis qu'il figurait, dans une population rurale sans instruction, la seule approximation accessible de l'idiome "supérieur". Ce phénomène, que nous appelons effet Terracher, exista partout où le français avançait: au bout de plusieurs siècles, il a entièrement subverti les langues régionales originelles du Poitou, du Berry, de la Bourgogne et de la Franche-Comté. Il a été si marqué en franco-provençal qu'on peut se demander s'il n'est pas une composante fondamentale de ce langage. En Auvergne, on le voit à l'oeuvre dans le Croissant, non seulement celui délimité par de Tourtoulon et Bringuier et leurs continuateurs, mais aussi dans ses extensions antérieures plus au Nord et ultérieures plus au Sud. Comme une onde de choc qui se propage encore longtemps après le heurt qui lui a donné naissance, il continue à agir dans le registre "patois" même pendant la phase de francisation massive, comme on le voit en Combraille actuellement jusqu'au niveau des Ancizes et de Pontgibaud. Il est donc une source de perturbations profondes qu'il faut savoir reconnaître entre le substrat dialectal autochtone et le français. Il a deux aspects: la réaction d'adaptation du langage atteint et la fossilisation de certains traits du langage éclaireur (chez nous le berrichon, le bourguignon et le forézien) disparus dans leur propre domaine par l'approfondissement de la francisation. Dans cette seconde fonction il est un conservatoire précieux de traits originaux disparus, quelque peu transformés certes, mais tout de même d'un grand intérêt à divers titres.