TIXIER Victor
Erudit bourbonnais du XIX° siècle, d'un talent exceptionnel. Fut médecin, maire de Saint-Pont, voyagea beaucoup: aux Etats-Unis, il visita des tribus indiennes et apprécia leur civilisation avec une largeur d'esprit très en avance sur son temps. Nous lui devons un ouvrage ethnographique hors-pair: écrites d'abord pour le Journal de Gannat ses Etudes bourbonnaises furent réunies en livre en 1872. On s'y délecte de plusieurs facettes de l'esprit original de Victor Tixier.
1. Une "ethnographie dans le texte": Lau soursî barbounichon (les sorciers bourbonnais), le mariaje de la Miète Piaron et l'entaremen de défént cau paure Dodon (l'enterrement de feu ce pauvre Dodon) décrivent dans la langue du pays, pleine de naturel et de verve, le détail des croyances sur les sorciers dans les campagnes bourbonnaises, les coutumes de mariages et les usages funéraires. Il est rarissime que les ethnographes donnent la parole aux ruraux dans leur propre langue. Le talent littéraire s'ajoute ici à la vérité linguistique qu'il rehausse sans la trahir.
2. Une pièce en vers fort bien tournée, La Marichon, évoque une vieille femme sale et décrépite qui fut ardente et belle.
3. Le lai de Sainte Procule (sainte honorée à Gannat, voir Saints d'Auvergne) est un pastiche médiéval. Victor Tixier, qui n'ignorait pas les tentatives de renaissance culturelle des langues régionales en son temps et qui voulait imposer l'idée d'une identité bourbonnaise incluant l'originalité du langage, a cherché à lui donner à la fois des racines et une illustration littéraire qu'il appelle "en langue d'oïl" alors que c'est un mélange de français médiéval et d'arverno-bourbonnais.
Naturellement, Victor Tixier est tributaire de l'état des connaissances de son temps: la celtomanie ambiante lui fait croire aux origines gauloises de la langue bourbonnaise qu'il prétend cultiver; d'où des étymologies non fondées; acceptant la pseudo - "opposition oc - oïl" en Bourbonnais, il range dans la "langue d'oïl" l'arverno-bourbonnais qui est bien autre chose (voir arverno-bourbonnais). Mais le talent fait oublier ces défauts et donne à son oeuvre un charme et un intérêt de premier plan. Le Cercle Terre d'Auvergne a réédité les textes signalés ci-dessus aux paragraphes 1 et 2 sous le titre de Viaje chi lau soursî barbounichon, avec traduction et introduction expliquant les mérites et les caractères de l'oeuvre.