Lexique identitaire

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CONJUGAISON AUVERGNATE

Sa maîtrise est essentielle pour bien pratiquer la langue car : 1. C'est l'ensemble le plus important de formes variables; 2. Les différences avec la conjugaison française sont considérables.
  • Il y a trois groupes de verbes : I -â (90% des verbes, très productif); II -e (quelques verbes, mais d'usage souvent fréquent; actuellement improductif); III -î / ï (reste modérément productif en gagnant sur -e :sortre > sourtï, lui-même refoulé par seutâ).
  • L'irrégularité des verbes est réduite : ils s'alignent pour la plupart sur le groupe II. Il n'y a que 3 verbes très irréguliers : (avoir) et surtout l-esse (être) et nâ / anâ (aller).
  • La régularisation, déjà avancée, se poursuit sous nos yeux :
unification grandissante de la voyelle radicale variant autrefois avec les personnes et les temps : poude :je peux, peuze : je pose. simplification des désinences : elles sont unifiées de plus en plus par temps sans considération des différents groupes. Les formes les plus irrégulières sont refaites : garissei > garisséte : j'ai guéri.
  • L'innovation fondamentale et entièrement originale est la formation de deux blocs de temps distingués par leurs désinences :
bloc réel : présent de l'indicatif et du subjonctif, futur (tout l'indicatif en arverno-bourbonnais).
bloc irréel : imparfait de l'indicatif et du subjonctif, passé défini, impératif, conditionnel (ensemble du subjonctif, de l'impératif et du conditionnel en arverno-bourbonnais).
Réel : le sujet décide et agit, l'action a lieu ou aura lieu, elle est certaine ou pour le moins éventuelle; irréel : incertitude sur l'accomplissement de l'ordre, sur la réalisation de la condition; le passé devient irréel dans la mesure où l'on considère que ce qui est fait ne peut plus être modifié.
  • Par rapport au français, qui est la seule langue de référence de tous les arvernophones, les différences sont :
l'existence de deux imparfaits : 1 verbes du groupe I : -ave; 2 verbes des groupes II et III : -io (souvent unifié sur l'un ou l'autre, le premier surtout, en arverno-bourbonnais).
l'usage vivant du passé défini, employé pour exprimer une action bien située dans le passé et dont les conséquences ne se font plus sentir.
l'usage massif du subjonctif imparfait, qui est tombé en désuétude en français : dans une subordonnée après conditionnel; pour exprimer le doute, l'incertitude. A l'inverse du français, le subjonctif imparfait gagne sur le subjonctif présent, trop peu différent de l'indicatif présent.
les temps surcomposés, peu utilisés en français, le sont largement en auvergnat pour exprimer une action passée, accomplie à une date incertaine, dans des conditions qu'on ne saurait préciser : l'ai düdà vedüdà : il m'est arrivé de la voir, j'ai bien pu la voir (mais où et quand ?).
  • Langue riche en idiomatismes, l'auvergnat possède une gamme étendue de temps composés qui lui sont propres : passé immédiat : verbe au passé + adeî ou (français : je viens de...);
futur immédiat à côté du futur simple, plus usité qu'en fr. : présent +, présent + teusituo, sei + infinitif.
forme progressive : sei pri + infinitif (fr. : je suis en train de);
futur différé ou de destination : sei pà + infinitif (je dois faire / j'ai l'intention de faire, je me destine à);
futur hypothétique : "vouloir" au présent ou au conditionnel + infinitif;
futur convenu : z-ei dït que + verbe conjugué (fr. : je dois, sans obligation).
Il existe aussi une foule d'autres constructions de grande fréquence, v. Bonnaud P. : Grammaire générale de l'auvergnat à l'usage des arvernisants, Chamalières, Cercle Terre d'Auvergne 1992.
  • L'infinitif et le participe passé suivent en réalité , y compris pour l'accentuation, les règles du système nominal. D'ailleurs, les infinitifs sont souvent employés comme noms : le beure : la boisson; leù vieurei : les vivres. Les formes du participe passé se distinguent à l'oreille par des terminaisons vocaliques différentes selon le genre et le nombre, système intégralement développé dans le groupe I : parlàd [parlo]; parlad[parla]; parladà [parlado]; parlada [parlada ]. Ce système, tout différent des langues d'oc méridionales, a ses correspondants les plus proches dans le groupe rhéto-roman, c-à-d dans le prolongement oriental de l'aire médioromane (cf. Peer O. : Dicziunari rumantsch ladin - tudais-ch, Cuoira, Lia Rumantscha 1962).
Noter que l-esse se conjugue avec lui-même comme auxiliaire et que le participe passé employé avec vî / aveire ne s'accorde pas si que s'interpose : la fenna que z-ai vedüd : les femmes que j'ai vues.
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