Lexique identitaire

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PALATALISATIONS

Un des traits fondamentaux de la langue auvergnate. Sans leur notation, il est impossible de lire correctement un texte auvergnat, on prononcerait en fait une autre langue. Les palatalisations auvergnates sont particulièrement riches et variées: Jacques Duguet, dialectologue poitevin, remarquait qu'elles le sont beaucoup plus qu'en Poitou et Charentes et qu'à l'Ouest de la France il faut remonter jusqu'en Anjou et Maine pour en trouver d'équivalentes (mais différentes). De ce point de vue, l'auvergnat se rattache davantage à la France orientale: bourguignon, comtois et surtout franco-provençal, avec lequel s'observe le maximum de correspondances. On peut distinguer trois catégories: A. Palatalisations de consonnes devant n'importe quelle voyelle ou seulement devant -a: 1. Générales: ch, j, lh, nh (h marque orthographiquement cette palatalisation; l'auvergnat médiéval écrivait aussi gh là où les graphies modernes ont simplifié en j). 2. Limitées à l'Auvergne du Nord: clh issu de cl et de fl, lh issu de gl. 3. Limitées à l'Est de l'auvergnat septentrional: blh, flh, plh (en continuité avec l'aire franco-provençale et italique). B. Palatalisations de consonnes devant i et u: 1. Chuintement de s et z devant i et u non secondaires (= non issus de ei et de ou), voire secondaires par extension, surtout en Limagne et dans la zone de décalque. 2. Mouillure de d, t, l, n devant ï et ü (le tréma indique cette action mouillante); de b, f, m, p, v devant ï; de r devant ï (auvergnat septentrional, Centre-Est); de b, p devant ü (haut Allier). C. Changement de timbre vocalique, notamment de ou à u, phénomène qui n'est plus uniquement phonétique, mais qui est devenu phonologique par l'utilisation discriminative: -u singulier, -ou pluriel (Ouest) ou l'inverse (Est). Donc les palatalisations, communes à toute l'Auvergne selon une même logique générale en dépit de réalisations en partie variées, sont plus fréquentes et plus variées que dans les autres idiomes gallo-romans. Leurs combinaisons ne sont semblables à aucune autre. Cependant, l'auvergnat moderne et contemporain pratiquement entier est atteint à des degrés divers par une tendance dépalatalisante, au stade prépalatal, qui érode et dévie le système palatalisé hérité d'une histoire qui commence dès les origines de la langue (influence pratiquement certaine du celtique d'Arvernie, quoique les voies et moyens n'en soient pas connus):
  • c = (k) > (tch) > (ts); g = (g) > (dj) > (dz). Rares sont les parlers qui vont jusqu'à (s) et (z), contrairement au limousin : c'est plutôt une tendance propre à certains individus et limitée aux secteurs les plus occidentaux. On note aussi: tï > (tche) > (ts), dï > (dje) > (dz), en développement en Limagne par le Nord arverno-bourbonnais.
  • évolution de ü > iou en auvergnat septentrional-oriental (massif forézien).
Sans être directement d'origine française ni conduire à la francisation, ce bouleversement est certainement en rapports médiats complexes avec l'ébranlement des bases phonétiques de la langue au contact du système français via des dialecte déjà en grande partie francisés selon l'effet Terracher: le montrent l'extension et la diversification plus grandes des prononciations nouvelles sur les bordures septentrionales et orientales. Les arvernisants actuels, écrivains et pédagogues, ne reprennent pas les évolutions de pointe, qui ne sont pas assez généralisées pour s'imposer aux dépens du système très cohérent des palatalisations auvergnates historiques. L'essentiel de cet article est repris directement à Bonnaud P.: Grammaire générale de l'auvergnat à l'usage des arvernisants, Chamalières, Cercle Terre d'Auvergne 1992.
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