Lexique identitaire

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PUY (LE) et SAINT-PAULIEN

Le Velay, plus près d'un "pays" que d'une province par sa taille, a eu beaucoup de peine à esquisser une organisation centripète, car il a toujours été tiraillé entre des centres plus puissants. C'est donc une assez belle réussite pour Le Puy d'être parvenu à colmater à peu près une fracture méridienne fondamentale:
  • A l'Ouest, le Devès, "Limagne d'altitude", est aussi le couloir méridien de relations entre l'Auvergne et le bas Rhône. Très actif à l'époque préhistorique (peuplement chasséen par les Pasteurs des Plateaux), à certaines périodes de l'Antiquité et du moyen âge, il a progressivement perdu de l'importance depuis l'époque moderne, mais son potentiel de relation subsiste et se ranime d'ailleurs actuellement.
  • Le Velay oriental, via la vallée de la Loire et les cols cévenols, a toujours été très lié au grand axe rhodanien, tantôt vers le Sud-Est, tantôt vers le Nord-Est (Saint-Etienne et Lyon), cette direction étant actuellement prépondérante.
La succession des périodes introduit l'alternative temporaire de Saint-Paulien, fait courant dans nos ensembles urbains où, dans une même situation générale, les sites peuvent varier selon les conjonctures:
  • Le centre religieux d'Anis semble avoir exploité dès la préhistoire les particularités extraordinaires du site du Puy.
  • A l'époque protohistorique, une polarisation arverne prend le dessus avec l'oppidum de Briton d'où dérivera le Ruessio (Saint-Paulien) gallo-romain, moyennant la migration classique vers un site voisin plus commode. Il fut la capitale du Velay jusqu'au VI° siècle (transfert de l'évêché au Puy).
  • Dès l'époque romaine cependant, l'attraction des villes du bas Rhône se fait sentir et favorise le développement d'Anicium, par ailleurs favorisé par un climat plus abrité et des sols plus fertiles que dans les environs de Saint-Paulien, bassin élevé (800 m.) et assez exposé aux vents.
  • Superficiellement, la prédominance des rapports bas-rhodaniens dure jusqu'à la première moitié du XIX° siècle : mais c'était l'époque de l'animal de bât et au mieux du roulage, des faibles tonnages transportés, du commerce restreint, de l'émigration d'écrêtement des excédents démographiques insupportables au sein d'une société qui recherchait l'autarcie et s'accroissait sur place "avec les moyens du bord". Or, dès l'époque moderne, l'influence du marché national français en formation et de ses grands relais commerciaux (Lyon) et industriels (Saint-Etienne) grandissait pour atteindre une prépondérance écrasante dans la réalité objective dès la seconde moitié du XIX° siècle.
D'autre part, devenus presque légendaires en Haute-Loire, les "embarras du Puy" traduisent la difficulté de passer d'une ville de 20000 habitants à une agglomération de 50000 et à une zone de chalandise (recrutement des clients) et de services de 100000, serrée de près au NE par plus fort qu'elle, mais au large en direction du Sud et de l'Est (voir Montagne vivaroise) où elle n'a pas de concurrents proches. Le cadre identitaire du bassin du Puy et de Saint-Paulien est très riche :
  • Linguistiquement, l'auvergnat du Velay est centré sur Saint-Paulien et non sur Le Puy: toutes les lignes isoglosses le montrent en plaçant le premier en leur coeur et le second sur les marges méridionales de l'aire vellave d'Auvergne médiane. C'est un rappel des conditions fortement encadrées officiellement de la romanisation, même à l'échelon local et une indication en faveur de l'ancienneté des caractéristiques régionales de l'auvergnat ("en gros et en détail"): cf ce que P. Nauton pensait du -v- intervocalique : voir -l- intervocalique).
  • La ville du Puy, autrefois très importante (elle avait 15000 à 20000 habitants à une époque où ces chiffres étaient exceptionnels) avait une vie fortement caractérisée de ses quartiers (les Iles). Son vignoble avec ses coteaux réputés localement (la Sermonne, la Malouteyre) et ses chambades (terrasses viticoles) renforçaient sa personnalité culturelle (il y en a de beaux restes en voie de résorption sur le coteau de Polignac).
  • Le patrimoine religieux exceptionnel de la ville se double d'un pullulement peu commun de monuments ruraux remarquables à 30 km à la ronde; Ils s'inscrivent de plus dans des paysages joignant le grandiose à une humanisation profonde.
  • Le Puy a un riche passé industriel que n'épuise pas la dentelle. Cette ville eût pu devenir un grand centre industriel si l'Ancien Régime ne l'avait pas défavorisée pour complaire à un groupe de pression d'industriels stéphanois. Le déclin de certaines activités (tanneries) est relayé par d'autres et l'axe de la Loire vellave tend à s'industrialiser sous la stimulation des activités de Rhône-Alpes.
- C'est pourquoi le projet de faire du Puy un très grand centre touristique, s'il a son intérêt, ne devrait pas cristalliser toute l'attention : il y a d'autres ressources. En outre, il comporte le risque de folkloriser la religion dans une ville et une région où la foi est une composante plus marquée qu'ailleurs de l'identité collective.
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